EPS à la maison, une appli rassurante pour tous

Divers — par Julien Lampin, le 9 avril 2020 (9:39)

screen – EPS à la maison

Tandis que bon nombre d’enseignants d’EPS s’arrachent les cheveux à savoir quelle(s) forme(s) de travail donner à leurs élèves pendant le confinement, une cohorte de professeurs a créé une application baptisée « EPS à la maison ». Elle allie exercices physiques, QCM sur de multiples activités et exercices ludiques. Echanges avec Vincent Masson, enseignant d’EPS au collège Terres Rouges d’Epernay et un des concepteurs de cette application.

 

Vincent, comment ce projet a vu le jour et pourquoi y avoir participé ?

Ce projet est né d’une idée, en collaboration avec son collègue Michel THIEBAULT, de Samuel HOURS, un ancien collègue EPS du collège Terres Rouges, aujourd’hui au collège Yvette Lundy d’Aÿ. L’idée était de mettre en place un contenu EPS pour la maison grâce à une application « Glide ». Il fallait aussi prendre en considération, à la fois les directives du RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), les contraintes des règles de confinement, des gestes barrières et de distanciation sociale, et la prise en compte de la sécurité du public scolaire confiné à la « maison ».

Samuel a envisagé un travail collaboratif et participatif pour mener à bien ce projet. Il a sollicité ses contacts d’hier et d’aujourd’hui pour savoir si nous étions motivés pour monter un petit projet local. C’était le 18 Mars. Le jour même, nous formions la Team EPS (Jennifer Héloin, Michael Guillaumot, Michel Thiébault, Vincent Masson, Bruno Pellerin et Samuel Hours, ndlr). C’est ainsi qu’a commencé cette aventure.

« L’EPS, ce n’est pas que de la théorie ou de que de la pratique, c’est un peu des deux à la fois »

J’ai répondu partant, car je trouvais inconcevable que nos jeunes n’aient pas d’EPS pendant cette phase de confinement. Envisager une continuité pédagogique en EPS n’est pas si simple quand on ne peut pas voir les postures, ou les mouvements des élèves pour leur éviter les blessures. J’avais aussi à cœur de ne pas rester que sur de la théorie, l’EPS ce n’est pas ça, ou que sur de la pratique, l’EPS ce n’est pas ça non plus ! C’est un peu de tout à la fois…

Enfin c’est surtout cette logique de travail collaboratif qui m’a séduite. Ecouter, se remettre en cause, avancer, progresser et toujours apprendre ensemble… Cette manière de voir le métier est une première chez moi ! Donner, partager et rendre les échanges constructifs ! Je fonctionne ainsi depuis 12 ans et j’ai toujours eu cette chance de travailler avec des collègues qui avaient cette même logique.

En quoi consiste cette application et comment un enseignant d’EPS peut-il l’utiliser avec ses élèves ?

Cette application a pour but de ne pas casser le lien avec l’EPS et aussi de proposer des contenus théoriques et pratiques qui prennent en compte les caractéristiques des élèves de collège et de lycée avec notamment une adaptation selon les niveaux scolaires. Chacun peut, à tout moment, réadapter sa pratique vers plus difficile s’il réussit ou plus simple s’il a des difficultés pour faire. Comme en EPS, tout le monde peut y prendre place, y trouver son compte sans se mettre en danger. « EPS à la Maison » se veut une application rassurante pour les parents et pour les élèves car elle donne le cadre qui permet une pratique lucide et maîtrisée.

Cette application apporte dans un premier temps un apport culturel. Vous trouverez des quizz de connaissances, des contenus concrets dans une multitude d’activité sportive, des reportages, des documentaires, une proposition de films/livres autour du sport. A chaque fois avec un message véhiculé comme le dépassement de soi, le goût de l’effort, l’estime de soi ou encore le partage. Toutes des valeurs propres à notre discipline. Tous ces apports sont en accès libre et consultables directement par les familles. Le but est de permettre le divertissement, nécessaire à mon sens en cette période de confinement, avec comme support : le sport et les valeurs qu’il véhicule.

 « EPS à la Maison » se veut une application rassurante pour les parents et pour les élèves car elle donne le cadre qui permet une pratique lucide et maîtrisée, Vincent Masson.

Dans un second temps, un apport pratique par des vidéos, des fiches, des conseils afin de guider, cadrer et orienter les élèves. (Relaxation – Danse – Fitness – Renforcement – Stretching…). Cette partie est clairement aseptisée et permet d’engager une pratique raisonnée, adaptée et respectueuse de l’intégrité physique de nos jeunes utilisateurs, et des règles de confinement déjà énoncées. Le but, c’est de permettre une pratique des jeunes sans engendrer de traumatismes et blessures. Chaque proposition est validée par un groupe d’experts. Ceci est rassurant et montre une réelle volonté de proposer un outil fiable et utilisable par les familles. Une bonne partie du contenu émane de profs d’EPS de l’Académie de Reims. C’est faire confiance aux professionnels de notre région. Toujours valorisant pour nous !

C’est une application clef en main pour l’enseignant, mais elle nécessite le guidage de l’élève. C’est ainsi que notre mission intervient, comme au sein des cours. Proposer mais aussi guider les élèves, corriger si besoin via les classes virtuelles ou des retours de mails qui orientent les élèves et les familles sur « EPS à la Maison ». La patte du professeur est donc toujours là et même souvent nécessaire pour accompagner l’élève. 

Quels sont les premiers retours de la part des collègues enseignants, des élèves et des familles ?

Pour le moment, les retours sont ultras positifs. Les familles étaient dans l’attente de ce genre d’outil pour faire bouger leurs enfants, mais du coup, ils bougent aussi. Donc on fait aussi bouger les frères et sœurs, les parents… Et là, l’EPS est vraiment rentré à la maison.

« Certains nous envoient des vidéos de leur pratique que nous corrigeons et renvoyons. C’est ici que notre rôle d’enseignant prend du sens en plus de l’application. »

Les enseignants du collège Terres Rouges ont accompagné la partie fitness d’un tableau de suivi à la semaine afin de voir l’implication de nos jeunes dans la pratique physique à la maison. Nous réceptionnons les fiches en fin de semaine pour en faire un bilan. Certains nous envoient des vidéos de leur pratique que nous corrigeons et renvoyons. C’est ici que notre rôle d’enseignant prend du sens en plus de l’application.

Quant aux élèves, ils nous questionnent, veulent des précisions… C’est un réel télétravail. Les questions de certains arrivent à 8h, des autres à 12h. Il faut donc une réelle disponibilité pour nos élèves. Certains avaient commencé une pratique seule, non cadrée ou en téléchargeant des applications au hasard. Maintenant, même si l’outil n’est pas miracle, il rassure et donne la cadre et les conseils aux jeunes.

Enfin, les collègues, et surtout notre direction, sont enthousiastes de ce travail collaboratif riche de la Marne et du bassin Sparnacien. Certains enseignants notamment une directrice SEGPA n’ont pas attendu bien longtemps pour s’essayer à certains quizz et propositions sportives. (Relaxation, étirements et autre fitness)

Et si on parle d’après confinement, comment pourra-t-on toujours utiliser cette application ?

Logiquement, elle devrait cesser après le confinement. Mais ça c’est une décision que nous allons prendre par la suite. Pour le moment, on n’y pense pas. Nous sommes qu’au début de cette aventure. Je sais que beaucoup bossent pour améliorer encore les propositions et les contenus pour le plaisir des familles mais aussi pour leur bien-être physique, moral et social. « Un esprit sain dans un corps sain » comme l’aurait dit Thalès de Milet (6e-7e siècle avant notre ère).

Elle pourrait prendre une autre forme, un autre nom, une autre utilité, de nouveaux contenus, un nouveau cadre de partage et donc pour les enseignants, une autre utilisation à en faire. Nous pourrions voir physiquement nos élèves en direct ou en différé selon les objectifs recherchés. Par exemple en pédagogie inversée, c’est-à-dire donner le savoir avant le cours, et envisager une utilisation plus rapide et efficace ensuite, ou en « live » pendant le cours selon le support utilisé et disponible.

Clairement, l’enthousiasme de la Team EPS et le travail engagé ne va pas s’arrêter là. Il va prendre une autre forme, une autre application, un autre outil après le confinement.  Mais faire entrer l’« EPS à la maison » est clairement un chemin de bataille que nous menons et nous voulons poursuivre ensuite…

Est-ce que cette crise pourrait avoir un impact positif sur la pratique sportive à la sortie du confinement et par conséquent une nouvelle image de l’enseignement d’EPS ?

Clairement, si l’image donnée à l’EPS après le confinement n’est pas maîtrisable, nous avons tout de même ressenti que les familles étaient en attente d’un moyen de faire faire du sport à leurs enfants, tel un besoin. L’adage « Un esprit sain dans un corps sain » est devenu comme quelque chose d’indispensable. Certains allant même à l’encontre des recommandations du confinement. Après je ne veux pas me projeter de trop car on ne sait pas de quoi demain sera fait. Mais je pense que le regard sur le sport aura changé quelque peu.

Au niveau de la famille, je pense que ce n’est pas que le regard de l’enseignement de l’EPS qui aura changé. C’est bien le regard du métier de professeur et autres personnels d’éducation qui le sera. Pour avoir échangé par téléphone et mail, des parents se rendent compte de la complexité de notre métier dans la gestion des diversités de profils d’élèves. Quant à l’EPS directement, soyons optimistes, comme toujours…On va dire que oui !

Après, une chose est certaine de notre côté, les manières de penser et de concevoir notre métier, collectivement (pour la Team EPS, et l’équipe du Collège Terres Rouges) et individuellement changent et vont encore changer. Comme si l’enseignement de l’EPS pourrait muter quelque peu. A voir… 

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Propos recueillis par Valentin LEDUC