Ces sportifs rémois en première ligne face au Covid-19

Divers — par Julien Lampin, le 7 avril 2020 (14:55)

Ils sont applaudis chaque soir à 20 heures, aux fenêtres des immeubles et des maisons. Derrière le personnel hospitalier en première ligne pour lutter face à la pandémie du Covid-19, se cachent des sportifs rémois que vous connaissez. Nous les avons interrogé sur la situation qu’ils vivent au quotidien.

Ils avaient déjà l’habitude de l’emploi du temps surchargé, jonglant entre leurs vies professionnelle et sportive. Ces athlètes rémois dont on a l’habitude de conter les exploits le week-end font en ce moment face à un autre adversaire sur un autre terrain. Le Covid-19 a en effet bouleversé leur quotidien. Une crise qui met leur passion en quarantaine mais leur sollicitation à son point culminant. Ils sont 700 000 infirmières et infirmiers à prendre part à des gardes de douze heures, s’épuisant à la tâche mais avec volonté et courage. Sans oublier l’amertume, celle d’avoir été délaissé par les autorités du pays bien avant l’arrivée du coronavirus dans l’Hexagone.

Un dévouement total

« Depuis trois semaines, tout est bouleversé. Nous avons multiplié par quatre ou cinq les lits de réanimation et encore 24 seront ajoutés très prochainement pour passer à 80. Le quotidien, c’est des déménagements de services pour accueillir les patients selon leur statut Covid, selon leur état. Cela demande beaucoup de recherche, de communication, d’entraide et de solidarité. Mon rôle en particulier est de favoriser cela, tout en donnant les moyens à mon équipe de se protéger et de donner les soins appropriés aux patients, tout en tachant de préserver ces soignants qui s’épuisent. Nous nous épuisons de cette concentration incessante. Mesures d’hygiène, habillage, déshabillage, bons choix thérapeutiques, réorganisation, rien d’hier n’est valable aujourd’hui. Et le port du masque en continu joue aussi sur la fatigue », raconte Capucine Grimonprez, première ligne au Stade de Reims Rugby et en première ligne face au coronavirus comme cadre de santé au CHU de Reims.

« J’ai déjà un goût amer. Nous ne sommes pas prêts d’oublier ce qu’il se passe et comment on nous a traité pour nous porter en sauveurs de la nation aujourd’hui »

Capucine Grimonprez, capitaine du Stade de Reims Rugby et cadre de santé

« Je trouve que le CHU est très bien organisé. Tout le monde, tous les services travaillent dans un unique but et les moyens déployés sont énormes. Je sens une grande solidarité. Chacun met sa pierre à l’édifice que ce soit les soignants bien entendu mais aussi les administratifs, les techniciens, les directeurs, la blanchisserie ou la restauration mais j’en oublie sans doute. Le rugby me manque. Je tente de maintenir la forme et me défoule avec des séances préparées par les joueurs d’Épernay. Mes enfants sont chez leur papa déjà depuis trois semaines et cela va se poursuivre. Je sacrifie du temps avec eux mais je n’ai pas d’autre choix. Ils sont bien mieux chez lui en ce moment. Depuis des années nous devons travailler plus et mieux avec de moins en moins de moyens.

Aujourd’hui, nous nous battons pour sauver des vies avec des moyens qui arrivent au compte goutte, aidés par les citoyens solidaires car le gouvernement a failli. Aujourd’hui nous sommes les « héros ». Nous sommes déjà usés. A la sortie de la crise, nous n’aurons aucun répit bien au contraire. Beaucoup de patients n’auront pas bénéficié des soins qu’ils auraient dû recevoir, on s’attend à des complications pour eux. Sans compter les complications du Covid que nous découvrons seulement et qui probablement allongeront la liste des personnes à prendre en charge. Et nous n’aurons pas plus de moyens.

Mais nous serons épuisés et en colère contre cette gouvernance. Je crains les mois à venir. Les héros d’aujourd’hui seront oubliés rapidement au retour à la vie normale, si on peut imaginer que cela soit possible. Bref, j’ai déjà un goût amer. Nous ne sommes pas prêts d’oublier ce qu’il se passe et comment on nous a traité pour nous porter en sauveurs de la nation aujourd’hui. Cette crise montre encore une fois la capacité des soignants à se surpasser. Mais jusqu’à quel point on y arrivera ? Pour terminer, l’esprit d’équipe est primordial. Prendre soin de nous est essentiel. Rire ensemble est vital », raconte avec le cœur lourd la capitaine des féminines du Stade de Reims Rugby.

Je ne cache pas que j’ai peur d’avoir le Covid-19. Les journées sont épuisantes.

Léa Guerard, spécialiste du 100m haies de l’Efsra et infirmière

Sentiment d’épuisement et d’inquiétude partagé par la spécialiste du 100m haies de l’Entente Family Stade de Reims Léa Guerard. « Les conditions sont difficiles. Des collègues sont en arrêt, on a besoin de personnel en plus pour nous aider. J’ai du aménager mes horaires de travail vue avec ma cadre et donc passer en 12h. Je ne cache pas que j’ai peur d’avoir le Covid-19. Les journées sont épuisantes. Cela chamboule mon quotidien. Normalement je vais à l’entraînement de 10h à 12h au Creps puis je vais au travail. Le sport me manque. Alors j’essaye pendant mes jours de repos de faire au moins une heure de sport dans mon salon, pour m’entretenir », détaille l’infirmière à la résidence Wilson.

« Sur les jours où je ne travaille pas, j’essaye de m’entretenir pour ne pas trop perdre de muscle mais ce n’est vraiment pas évident »

Mathieu Triqueneaux, joueur du Reims Métropole Volley et infirmier

Communément à mi-temps au service de rééducation du CHU de Sébastopol, et le reste du temps sur les terrains de volley, Mathieu Triqueneaux a lui aussi vu ses journées bouleversées. « Mon service s’est transformé en unité Covid-19 et je travaille à temps plein de nuit, donc gros changement. Comme on en entend parler, on manque de matériel et on doit faire attention à tout. Quand je travaille, je fais une nuit de 12h  et le reste du temps, je me repose. Sur les jours où je ne travaille pas, j’essaye de m’entretenir pour ne pas trop perdre de muscle mais ce n’est vraiment pas évident », explique l’infirmier rémois et joueur du RMV.

Anne-Sophie Claude, capitaine et buteuse du Reims Champagne Handball, travaille de son côté en salle de réveil à la toute jeune polyclinique de Bezannes. « Les programmes opératoires ont été arrêtés, nous ne traitons plus que les urgences et les opérations de la dernière chance. Cela nous permet d’avoir de la place pour accueillir les patients Covid », décrit l’infirmière rémoise.

Mon côté sportif doit m’aider de ce côté-là, avec le sport et la compétition, on se forge un bon mental.

Anne-Sophie Claude, handballeuse au RCH et infirmière

« Pour moi, ça se passe bien. Ce n’est pas facile tous les jours, car beaucoup de remaniements et de réorganisations ont été faites, mais je fais avec. Mon côté sportif doit m’aider de ce côté-là, avec le sport et la compétition, on se forge un bon mental. C’est vrai que de ne pas voir mes proches et mes amis, de ne pas jouer au handball, jouer des matchs, des troisième mi-temps, sortir, aller au restaurant me manque. Mais habituellement je ne suis jamais chez moi, je vis à 300 à l’heure. Alors je savoure cet instant d’être un peu à la maison, je découvre un petit plaisir de rester chez soi et surtout, je sais que ce n’est que provisoire », lance avec positivité Anne-Sophie, qui fait face, comme ceux évoqués précédemment, à des journées très rudes pour sauver des vies. Le mental de sportif prend évidemment toute son importance dans ce genre de situation.