1882, un globe trotter rémois découvre le sumo.
Articles — par Fabien Moretto, le 16 janvier 2018 (10:52)
C’est l’histoire d’une photographie de sport un peu particulière. Sur cette image un combat de Sumo, le noir et blanc nous indique que la prise de vue ne date pas de la semaine dernière et c’est peu de le dire. En effet cette photo date de la fin de l’année 1882 et a été prise par le Rémois Hugues Krafft.
Hugues Krafft, naît le premier décembre 1853 à Paris et arrive à Reims deux ans plus tard dans les bagages de ses parents, le Baron Guillaume Krafft, associé de Louis Roederer, et Emma Mumm, cousine de Jules Mumm, fondateur de la prestigieuse maison de Champagne, l’aristocratie rémoise dans toute sa splendeur. Le Jeune Hugues grandit d’ailleurs au château de Toussicourt à Hermonville et étudie au prestigieux collège anglais d’Eton (école attitrée de la famille royale britannique). Il entre chez Roederer comme caviste mais son train de vie mondain n’est guère adapté à son emploi, tant et si bien que son père décide rapidement de l’emmener avec son frère, Édouard, lors de ses nombreux voyages commerciaux. Il n’arrêtera plus de voyager.
Lorsque leur mère meurt en 1880, trois ans après leur père, les frères Krafft héritent d’une fortune plus que confortable, elle sera consacrée aux voyages. Ainsi en octobre 1881, Hugues, son frère et deux amis entreprennent un tour du monde qui passera par Alexandrie et le Canal de Suez, l’Inde, le Sri Lanka, la Chine, Hawaï,les États-Unis et donc le Japon, témoin de cette rencontre insolite entre un jeune dandy rémois et le Sumo.
Or, contrairement au Cricket, qu’il croise dans les Indes Britanniques et qu’il connaît déjà bien depuis Eton,le Sumo est plus qu’un sport. C’est une véritable cérémonie religieuse, codifiée, un univers qu’il ne connaît absolument pas. Et c’est cette confrontation culturelle qui rend la photographie intéressante, en plus de son ancienneté.
Il découvre ce sport à Tokyo, dans le quartier de Ryogõku qui est encore aujourd’hui, et depuis le 16e siècle, le cœur du Sumo. Deux grands tournois sont alors organisés dans l’année, au printemps et en hiver, celui auquel il assiste. Devant la foule, Hugues Krafft prend rapidement conscience de l’importance de cette discipline pour les Japonais, il compare le prestige de ces combats à celui des « luttes de gladiateurs dans la Rome antique ».
L’allure des combattants marque forcément ce jeune occidentale, la tenue bien sûr mais surtout leur physique «des personnages très corpulents, ou bien des hommes vraiment superbes, bâtis comme des Hercules, et tranchant sur le public comme des géants sur une race dégénérée.» Le déroulement du combat le surprend également, les préparatifs «interminables et faits avec un cérémonial très compliqué.»
Puis vient le combat, court et intense, le choc de ces deux corps puissants, la foule qui s’anime soudainement, la rapidité de la décision. Ce spectacle surprend et touche le Rémois et pas seulement pour la performance, «Je ne sais si ce récit pourra donner une idée de l’impression saisissante de cette explosion d’enthousiasme. Quoi qu’il en soit, ces géants aux traits puissants, arqués de gros sourcils; ces luttes longuement attendues et terminées en un moment; cette foule d’abord silencieuse, puis subitement secouée par un délire instantané : tout cela constitue un tableau émouvant du Japon actuel, qui a laissé disparaître tant d’autres scènes caractéristiques de son pittoresque passé.»
Pour prendre cette photographie, Hugues Krafft, a du négocier avec le «le chef de la corporation», aidé de son guide, Ito. Et cette négociation est une nouvelle fois une confrontation entre deux mondes, le jeune négociant en Champagne, rompu aux discussions commerciales directes doit ici composer avec la tradition et l’extrême politesse japonaise, «des explications qui me semblèrent éternelles» arrosées de thé, pour enfin obtenir le droit de photographier les combattants.
La scène immortalisée n’est donc pas un combat à proprement parlé, mais une reconstitution à laquelle les lutteurs vont se prêter de bonne grâce. Cette photographie rejoindra la plusieurs centaines d’autres qu’il fera durant son tour du monde. A sont retour il publiera son journal de voyage et continuera ses voyages entrecoupés de conférences et de publications. Une partie des photographies et objets glanés lors de son séjour japonais sont conservés au Musée le Vergeur qu’il contribuera à sauver de la Ruine.
Pour aller plus loin :
L’intégrale de « Souvenirs de notre tour du monde » disponible en ligne et téléchargeable gratuitement grâce au service Gallica de la BNF :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5808085h
Le Musée le Vergeur de Reims
http://museelevergeur.com/
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