« Comme des frères », entre confessions et récit d’une saison unique
Football, Interviews — par Julien Lampin, le 30 juin 2018 (10:43)
Par les tests médicaux, le Stade de Reims vient de lancer son cru 2018-19. L’occasion de tourner la page d’une saison 2017-18 unique et exceptionnelle. C’est justement cette singularité qu’Alexandre Audabram, habituel journaliste pour France Bleu Champagne Ardenne et voix du Stade de Reims les jours de match, a voulu retranscrire à travers un film rétrospectif. Une réalisation inédite dont il explique la genèse et la construction…
Pourquoi une telle oeuvre ? et pourquoi une sortie la veille de la reprise ?
L’idée est venue en octobre dernier. On sentait qu’il était en train de se passer quelque chose dans cette équipe bien au-delà des résultats, qu’il y avait un groupe qui vivait quelque chose d’exceptionnel. Evidemment, on restait à notre place mais en discutant, au fil des conférences de presse d’avant-match, les réactions et autres interviews laissaient transparaître quelque chose de fort. Je me suis dit que sauf accident, la saison allait être exceptionnelle et qu’il pourrait être bien de laisser une trace, modestement. J’avais déjà fait un produit radiophonique en mai 2016 sur la saison du maintien. J’avais envie de faire quelque chose de plus visuel alors qu’aujourd’hui, les médias radio que nous sommes vont vers une évolution de global media ou plurimedia. La première chose a été de demander au club s’il était d’accord de me céder les images, car sans image de matches ou sans but, ce film n’aurait pas été assez dynamique. Leur accord très vite m’a permis d’avancer.
https://vimeo.com/276926142
Après le choix du 28 juin était multiple : se donner le temps de le monter, faire un peu retomber le soufflé après les émotions de la montée et du titre et puis aussi c’était la veille de la reprise de l’entraînement, de la prochaine saison de Ligue 1. Je trouvais que c’était une dernière trace avant de passer à autre chose parce que franchement, il n’y aura pas de suite à cette saison et à cette aventure. Celle qui s’annonce sera une autre aventure mais en aucun cas une suite. On espère une continuité dans l’esprit, mais pas une suite.
Quelles ont été les conditions de réalisation (liberté éditoriale, difficultés techniques…) ?
Une feuille blanche au départ car je n’avais aucune compétence en la matière que ce soit en tournage ni en montage. Et aucun moyen non plus. Pas de réalisateur, pas de monteur, pas de professionnels de la video. Il y a donc beaucoup d’imperfections techniques dans ce film. J’ai donc essayé de me former mais l’idée que j’avais en tête m’a porté. Ce que je voulais retranscrire, les thèmes, les angles, la rythmique, les musiques, m’ont permis de compenser mes carences techniques en matière de réalisation de doc. Et très bizarrement, le montage a été une évidence et je n’ai pas eu de difficultés même si j’ai pris mon temps, quasiment 7 semaines pour arriver à faire ce montage de 60 minutes.
Quant à la liberté éditoriale, elle a été totale. Il n’y a eu aucune exigence du club. J’ai réalisé les interviews la semaine qui a précédé le match de la remise du titre de champion face à Nîmes soit entre le 7 et le 10 mai. Je ne voulais pas le faire avant car je souhaitais avoir un maximum de vécu. Je ne pouvais pas le faire après car il aurait été compliqué d’avoir les acteurs après la fin du championnat. Mais tout a été fait en totale liberté éditoriale.
« Je souhaitais avoir un maximum de vécu, en totale liberté éditoriale », Alexandre Audabram
Comment s’est construit l’angle choisi pour ce documentaire ?
Vers le mois de mars, j’ai déterminé ces 4 chapitres plus l’épilogue que l’on pouvait deviner. Faire quelque chose de chronologique n’avait pas de sens selon moi. Mais dégager des thèmes qui ont illustré cette saison était plus fort. Evidemment, la première partie avec le match de Nîmes, l’équipe qui se construit était un bon début. Ensuite cette culture de la gagne assez exceptionnelle et aussi l’état d’esprit qui est indispensable pour avoir des résultats. La personnalité de David Guion était aussi quelque chose à évoquer. Et cela a été d’ailleurs très surprenant car franchement, je n’ai jamais vu parler des joueurs ainsi de leur entraîneur. On était en fin de saison, ok, ils avaient déjà tout gagné, mais ils n’avaient rien à attendre de lui, la saison était finie. Et la manière dont tous les acteurs parlent de David Guion, avec franchise, émotion et reconnaissance, était assez touchante. Aucun ne l’a fait dans le calcul, il y avait vraiment un lien fort entre ces joueurs et leur entraîneur mais aussi le staff. Et je suis très surpris encore aujourd’hui que cela n’ait pas été plus souvent évoqué au fil de la saison.
Quand on suit le Stade de Reims comme tu le fais, quelles sont les éléments, les infos, les attitudes qu’on découvre encore ?
Ca n’a rien à voir avec les rencontres que l’on peut avoir avant match et après match avec les joueurs. C’était ma grande interrogation : comment allions-nous pouvoir faire ces entretiens dans un cadre différent du quotidien. J’avais évidemment beaucoup préparé mes questions mais on n’était pas dans une ambiance d’analyse d’avant ou après match. Et ils se sont tous mis dans une confidence qui permet le résultat que l’on a dans le film. Les interviews ont duré entre 30 et 45 minutes pour chaque acteur. j’aurais pu faire un film de 5 heures ! Et on a discuté, on a échangé. Avec Danilson, on a parlé dans le vestiaire très tard après une longue journée pour lui entre entraînement et autres obligations médiatiques. Il était plus de 19 heures, tous les deux dans le vestiaire et au delà de son professionnalisme, il avait une fraîcheur et un plaisir de parler de cette saison qui étaient impressionnantes.
« Je n’ai jamais vu parler des joueurs ainsi de leur entraîneur », Alexandre Audabram
Que dire de Julian Jeanvier, qui était dans une confession intime. Il était ému et là, tu ressens que ces mecs ne trichent pas. Je n’en doutais pas et je me suis tout de suite dit : il faut arriver à faire passer ces émotions. Une révélation et un vrai plaisir à discuter avec Stéphane Dumont aussi. On l’a très peu vu au fil de la saison, mais son témoignage est d’une force ! Et puis Marvin Martin qui est le plus heureux des hommes. C’est un garçon formidable bien loin de la réputation que certains ont bien voulu lui faire. Ce garçon est heureux au Stade de Reims et ce qu’il a vécu cette saison semble l’avoir rempli de joie. C’est bizarre, c’est la seule fois où l’on m’entend dans le film. J’ai voulu le titiller quand il dit « certains auraient pu faire la gueule car ils n’avaient pas eu beaucoup de temps de jeu ». Je lui réponds « vous peut-être »… et sa réponse est d’une fraicheur et d’une sincérité… Il aurait pu mal le prendre ou alors se sentir véxé. Pas du tout… Ce joueur a peut-être été bousculé à une époque par une surmédiatisation compliquée à gérer, mais c’est un garçon vraiment formidable et au passage, un excellent joueur de foot.
Quel héritage imagines-tu à ce documentaire dans les semaines / mois voire années qui viennent ?
Tout d’abord, le plaisir c’est qu’il soit partagé. On a fait 2500 vues lors des deux premiers jours. On connaît le potentiel supporters, réseaux sociaux, internautes du Stade de Reims. Je pense que l’on ne dépassera pas les 4000 vues dans une première vie. Après il restera comme une trace. On lui donnera une deuxième vie en le mettant sur des plateformes plus populaires comme Youtube ou Dailymotion. Là j’ai souhaité le mettre d’abord sur Vimeo qui est une plateforme plus professionnelle, privilégiée par les réalisateurs, sans pub ou préroles, et en HD. La HD peut faire que le temps de chargement est plus long en cas de mauvaise connexion. Mais du coup, les supporters du Stade de Reims ont le film pour eux. Ce qui est sur, c’est qu’il n’y aura pas de suite. Car comme l’aventure qu’a vécu le Stade de Reims la saison dernière, il y a un côté unique. Je ne pense pas encore une fois que ce qu’il s’est passé la saison dernière se vivra deux fois. Il faudra en revanche l’entretenir.
En revanche faire d’autres films sur le Stade de Reims, oui. J’aimerais un jour faire le même style de projet sur les « causeries » ou la causerie d’un coach. Je trouve que ce moment dans la préparation d’un match est fort. Il existe des docs sur la causerie comme celle de Pascal Dupraz avant Angers – Toulouse en 2016 ou évidemment celles d’Aimé Jacquet dans « les Yeux dans les Bleus » en 1998. Mon idée serait de filmer toutes les causeries et voir l’évolution dans une saison, selon les résultats, du discours d’un entraîneur. Comment il se renouvelle, il active des leviers. Ce n’est pas une exercice simple car il faut savoir toucher les joueurs, les captiver, les motiver. Pour réaliser pareil projet il faudrait bien sûr pouvoir avoir un totale confiance avec un entraîneur.
COMME DES FRERES
Film de 60′ réalisé par Alexandre Audabram, qui permet de mieux comprendre comment s’est écrit la belle histoire du Stade de Reims 2017/18 en retraçant la saison avec ceux qui l’ont écrit. 60 minutes de confessions, de témoignages inédits, de récits, à voir dans ce film réalisé par Alexandre Audabram et proposé par France Bleu Champagne-Ardenne.
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