Marcel Thil : de Reims au titre mondial
Articles, Sports de combat — par Fabien Moretto, le 28 mars 2018 (18:19)
Georges Hébert, Géo André, René Tys, Auguste Delaune,… Ces rues que l’on traverse, ces lieux que l’on fréquente. Autant de noms de stades ou de gymnases que l’on occupe sans réfléchir mais qui sont des témoignages d’un riche passé sportif. Ensemble, tentons de le redécouvrir.
Dans le quartier Clairmarais, perpendiculaire aux rues du Mont D’Arène et Gérusez, se trouve une petite rue bordée de ses nouveaux immeubles d’habitation, florissants dans ce quartier. Son nom ? Marcel Thil. Un nom qui renvoie aux heures glorieuses de la boxe de l’entre deux-guerres et du Cirque de Reims. Un nom qui a hissé haut les couleurs tricolors un soir de juin 1932 en briguant son premier titre de champion du monde.
Marcel Thil n’est pas rémois de naissance. Né à Saint Dizier, le Haut-Marnais voit le jour le 29 mai 1904. Sa famille s’installe à Reims 4 ans plus tard, au 44 de la rue des Romains, tout près de la rue qui porte aujourd’hui son nom. De son propre aveu, sa vocation pour le sport en général, et pour le noble art en particulier, est tardive. Jeune ado, il travaille dans une scierie puis une usine métallurgique à Roches-Bettaincourt où sa famille a trouvé refuge durant la Première Guerre Mondiale. Ses loisirs sont alors consacrés à la pêche et aux bals du coin.
Du foot de village à la boxe
Sa rencontre avec le sport passera d’abord par le football, dans l’équipe du village. Puis avec les soldats américains cantonnés là. Il pratique avec eux le football, la lutte et même le base ball. C’est un Québecois, lieutenant dans l’armée US et futur époux de sa sœur qui lui apprendra les rudiments de la boxe. Il échange alors trois douzaines d’œufs contre une paire de gants. Ainsi démarre à quinze ans, la carrière d’un futur champion du monde.
En 1922, Marcel Thil revient à Reims, et travaille comme livreur de charbon. Un soir, au Cirque de Reims (la salle de Spectacle en bas des Promenades était alors le lieu des grands combats dans la région), il assiste aux combats victorieux de Battling Siki, premier champion du monde africain de l’Histoire. Il est époustouflé, admiratif, et se dit alors qu’il n’atteindra jamais un tel niveau. Lui s’entraîne au Wonderland Rémois, une salle de sport située rue Vernouillet. Il effectue son premier combat au Cirque, à 18 ans, face à un camarade d’entraînement. Combat qu’il qualifie lui même de « bagarre des rues » et qui se termine par un match nul.
En 1922, en quête d’un emploi, le jeune Thil s’engage dans la marine. Pas de grands voyages mais un service de mécanicien sur des bateaux garde-côte au large de Cherbourg. Une fois son mal de mer dompté, il retrouve le ring et acquiert rapidement une petite notoriété locale avec ses premières victoires en compétitions officielles. Champion de la Manche puis du Maine, il empoche son premier titre national en 1924. Champion de France mi-lourd de la Marine. Un honneur qu’il double l’année suivante.
Libéré de ses obligations envers la Marine en 1926, il prend la route vers le Sud, à Marseille, avec l’envie de vivre de son sport. Mais la professionnalisation tarde. Marcel Thil voit ses économies s’amenuiser et doit par conséquent se priver, jusque dans son alimentation, au point que de mi-lourd il passe dans la catégorie des poids moyens. Paradoxalement cette évolution forcée lui donne l’occasion de disputer son premier combat professionnel. L’occasion d’une défaite pleine d’enseignements face au champion niçois Kid Nitram.
La rencontre avec celui qui fera de lui un champion (et qui deviendra par ailleurs son beau-père) se joue à Paris la même année, tandis que Thil mène une vie de professionnel sans grande réussite tant sportive que pécuniaire. Il rencontre Alex Taitard par l’intermédiaire de son manager d’alors. Mais une fois de plus, rien n’est évident tant Taitard semble sceptique, « Le gros ne m’intéresse pas » dit-il un jour lorsqu’on lui propose de s’occuper du boxeur rémois. Il acceptera finalement de le prendre sous son aile.
Si cette collaboration permet au Rémois de progresser, Taitard peine toujours à faire engager son poulain en France et se voient contraints de boxer en Angleterre, avec des fortunes diverses. A force de persévérance, les progrès sont réels. Et entre 1927 et 1929, il enchaîne d’intéressantes séries de victoires qui lui permettent de glaner son premier championnat de France en octobre 1928 dans la mythique salle Wagram. Ses combats londoniens lui permettent de se faire progressivement un nom. En mars 1929, il devient, aux points, champion d’Europe face à Leone Jacovacci à l’issue d’un match médiocre. Le valeureux boxeur italo-congolais de l’Italie fasciste l’avait pourtant battu quelques années plus tôt.
La fin de l’année 1929 est moins lumineuse. Handicapé par une arthrite à la main droite, qui reviendra chroniquement jusque 1933, Marcel Thil ne boxe quasiment plus qu’avec son gauche alors que son succès venait principalement de son punch du droit. Mais malgré sa blessure, le rémois demeure, en 1930, un ambassadeur de la boxe française à l’étranger. Il passera par Manchester, Bucarest et Milan, en novembre, où il perdra, plus ou moins loyalement selon lui, son titre de champion d’Europe face à l’Italien Bosisio. Pas le temps de tergiverser, occupé à conserver, dix jours plus tard, son titre national à Wagram.
Dès lors, et malgré la perte de son titre européen, Marcel Thil est le plus grand boxeur français. Une star irrésistible sur le plan national et quasi imbattable hors de ses frontières. Les promoteurs cherchent par de nouvelles oppositions, les opportunités de faire fructifier la popularité du champion. Elle arrivera avec la venue du champion des USA (équivalent officieux, pour l’époque, d’un titre mondial), Vince Dundee. Ce dernier fera l’erreur de sous-estimer Thil, considérant ce match comme un entraînement. L’occasion pour le Français de montrer qu’en plus du talent, l’homme a du caractère. De son propre aveu, il considérait Dundee comme un « obstacle quasi-infranchissable », mais la provocation de l’Américain, va transformer ses craintes en colère. Devant 12000 spectateurs, le 10 juillet 1931, dans le temple du tennis, le cour central de Roland Garros, là où les Mousquetaires Lacoste, Borotra & co y font de régulières démonstrations, il remporte une victoire prestigieuse qui ancre définitivement l’idée, dans son esprit et dans celle des observateurs, qu’il est mûr pour challenger un véritable champion du monde.
Il lui faudra encore attendre un an pour connaître cet honneur. Le grand jour arrive le 10 juin 1932, face à l’Américain Gorilla Jones. Et Roland-Garros était trop petit pour ce grand combat. Le ring s’installe alors au centre du Parc des Princes et ses 40 000 spectateurs ! Le Stade est en fusion, mais le combat commence doucement. Durant les 6 premiers rounds, l’Américain s’accroche au Français jusqu’à ce que les juges réagissent et menacent de sanctionner Gorilla Jones. Le match reprend, plus franc, les coups s’échangent, jusqu’au onzième round où le champion en titre se rend coupable de deux coups-bas. Les juges le disqualifient, Marcel Thil est champion du monde, sur ses terres à Paris.
C’est le plus grand des honneurs après un immense chemin depuis la rue des Romains à Reims pour aboutir, via la Haute-Marne, la Normandie et Marseille, au Parc des Princes ce soir là, les bras levés vers la foule. Le septième champion de boxe français est Rémois.
L’ensemble des photographies sont extraites des collections en ligne de Gallica et notamment des archives de l’hebdomadaire sportif le Miroir des Sports.
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