Mélissa Herrera : « Le football progresse dans mon pays »

Football — par Julien Lampin, le 19 août 2019 (16:14)

Crédit photo : Elodie SAINTE

Elle est l’illustration de la mondialisation du foot féminin. Même si son pays n’a pas participé à la dernière Coupe du Monde, Mélissa Herrera est bien décidée à prouver que le Costa Rica a son mot à dire dans le foot de haut niveau. Si Shirley Cruz a montré l’exemple, la jeune attaquante compte bien prendre la suite. Inconnue en France lors de son arrivée à Reims l’été dernier, elle a marqué par ses qualités de percussion et de vitesse en D2. Avant de montrer ses qualités en D1, entamons la dernière étape de notre Coupe du Monde, au Costa Rica.

Depuis un an, Mélissa Herrera multiplie les allers-retours entre la France, son pays d’adoption depuis un an, et le Costa Rica qu’elle représente avec le maillot de sa sélection. A peine revenue des Jeux Panaméricains, qu’elle a suivi de plus loin que prévu à cause d’une blessure, Mélissa Herrera est prête à se confronter à l’Elite du foot français. Histoire de montrer ses capacités, et par effet miroir la qualité du foot costaricain.

Mélissa, on connaît la popularité du football en Amérique Centrale et du Sud, mais qu’est-ce qui t’a poussé toi à t’y mettre ?
Quand j’étais petite, je voyais toujours mon père jouer. Tous les week-end, il avait des matchs. Je demandais à ma mère pour l’accompagner. Au début elle n’aimait pas trop ça car elle ne voulait pas me laisser seule pendant qu’il jouait. Mais au final elle m’a laissé y aller et j’ai commencé à aimer le foot. Quand il finissait de jouer, il jouait toujours avec moi. Les jours et les années sont passés et j’ai senti grâce à lui que le football m’apporterait. C’était un peu étrange car toutes les filles de mon école jouaient à la poupée ou à d’autres choses mais moi je jouais au foot, et c’est comme ça que tout a commencé.

Comment juges-tu la différence de popularité du foot entre la France et le Costa Rica ?
Mon pays est tout petit par rapport à la France. En France, au niveau du foot féminin, le niveau est meilleur. Il y a des clubs qui disputent la Ligue des Champions, comme Lyon et Paris. Au Costa Rica, on n’est pas aussi proches de ce niveau. Le football n’est pas professionnel. Quelques joueuses gagnent de l’argent, mais seules celles qui sortent du pays peuvent dire qu’elles en vivent. Il y a peu de soutien. Il faut ouvrir le pays aux femmes pour montrer au monde qu’on peut faire de grandes choses comme les hommes. Je pense que la grande différence entre mon pays est la France, c’est l’opportunité qu’on donne aux femmes de démontrer qu’elles peuvent joueur au foot comme les hommes

Tu es très populaire sur Instagram, plus que certains footballeurs masculins.
Oui, c’est amusant mais aussi très important pour moi. En un clin d’œil mes réseaux sociaux ont grimpé. Ce qui est bien pour moi, c’est que j’ai des sponsors, des gens qui m’entourent et qui sont nécessaires pour mon image. Aujourd’hui, je suis une image pour Nike au Costa Rica. Très peu de joueuses dans mon pays ont cette opportunité. C’est bien quand les gens te connaissent, mais à plusieurs reprises ça peut ne pas l’être. Il faut savoir le gérer.

Quelle est ta relation avec les gens qui te suivent ?
Je les aime beaucoup. A chaque fois que je rentre dans mon pays, les gens viennent me voir, me demandent des photos et des autographes et ça fait du bien. Je crois que c’est la meilleure partie du football, quand les gens dans la rue te disent « Salut Melissa comment ça va ? » sans passer comme si de rien n’était. C’est quelque chose qui à l’intérieur de vous, permet de prendre conscience à quel point vous faites plus que jouer au football. Je suis peut-être en train de motiver des petites filles qui vont grandir et me voient comme l’image de mon pays. Je viens d’une toute petite ville, Saldado del Mar. Et à chaque fois que je vais chez ma mère, je suis très fière car beaucoup de petites filles viennent me voir « Salut Meli comment ça va ? Comment est la France ? », parce qu’on voit l’Europe comme un autre monde. Mon pays est totalement différent de l’Europe. La question qui revient le plus souvent, c’est « comment va ton français ? Comment va ta vie là-bas ? » et j’explique comment c’est de vivre ici par rapport au Costa Rica.

Comment tu gères la distance avec ton pays ?
C’est difficile, bien sûr. Au début, les deux premiers mois, je me disais « qu’est-ce que tu fais ici ? ». La langue est très difficile, très riche pour pouvoir l’apprendre normalement. Tu apprends l’espagnol ou une autre langue assez rapidement mais le français ça prend du temps. Le plus difficile c’est qu’avant j’avais l’habitude de voir ma mère en rentrant de l’entraînement pour dîner. Là je sais que je dois vivre sans ça. C’est difficile mais quand tu commences cela comme ton travail ou comme ton avenir, tu sais faire le deuil.

Quel est ton rapport à la sélection nationale costaricienne ?
Pour être honnête, j’y suis très attachée. Dans mon pays, il n’y a pas d’armée. L’armée de notre pays, ce sont les sportifs. Pour nous, au-delà d’être en sélection, représenter notre pays est une fierté. C’est l’unique manière de nous montrer au monde. Nous les costaricains, on a l’habitude d’entendre qu’on est une île. Les personnes croient qu’on est une île. On nous demande si on est un pays. Au-delà de jouer au foot et représenter notre pays, on apprend aux autres que le Costa Rica peut aussi bien jouer au foot.

Du coup, tu dois être très déçue de ne pas avoir participé à cette Coupe du Monde…
Oui, même si avec le temps on s’y est fait. Mais jusqu’au début de l’été, tous les jours quand je venais au club, j’entendais parler de la Coupe du Monde. Et sur la droite d’une des images de la Coupe du Monde, il y avait deux de mes coéquipières de l’édition précédente, au Canada. La déception est grande, et on ne comprend toujours pas comment on peut être hors de cette compétition, mais c’est le foot. La Jamaïque, on les affronte tous les ans, et on les bat toujours. Et le match le plus important, on ne le gagne pas. Ca nous a donné la leçon. Il n’y a pas d’adversaire facile. C’est douloureux, mais je sais qu’à l’avenir, on sera plus fortes, même si notre zone, la Concacaf, est très difficile. Mais je sais que les générations futures auront plus d’opportunités et feront de belles choses.

Propos recueillis et traduits par Alexandre Delfau.