Véronique Pierron : « Reims, un lieu symbolique pour moi »

Sports de glace — par Julien Lampin, le 1 juin 2020 (14:41)

Cela fait désormais une semaine que Véronique Pierron a annoncé l’arrêt de sa carrière de haut-niveau. La patineuse du Reims Patinage de Vitesse va maintenant passer de l’autre côté de la balustrade, et encadrer les jeunes talents du club avec le Creps de Reims. Avant de prendre ses fonctions, elle a accepté dans le mag’ de Sport Club (diffusé jeudi soir) de revenir sur cette annonce, sa carrière, la suite… Entretien.

Véronique, tu as décidé de faire l’annonce de ta retraite sur tes réseaux…

Ca me tenait à coeur de l’annoncer officiellement et de faire un retour sur ma carrière. C’était important pour moi de remercier les gens qui m’ont soutenu. Ca a été une longue carrière, j’ai fait mes premiers Jeux Olympiques à 16 ans, donc ca a été vraiment quelques chose d’assez long, avec plein de rebondissements, de contre-temps, de blessures, de performances. C’était assez enrichissant et palpitant. Ca a été une belle carrière dans l’ensemble.

Pourquoi une telle annonce maintenant ?

C’est juste que j’avais besoin de prendre un peu de temps pour moi à la fin de la saison. Il fallait que je me pose parce que ce n’est jamais évident d’annoncer une telle décision. Ca représente une grosse partie de ma vie. Je voulais prendre le temps de faire bien les choses. J’aurais voulu faire une réception au Creps de Reims pour remercier les gens qui m’ont soutenu, mais c’est reporté.

Après une saison un peu chaotique mais avant Pékin 2020, c’était le meilleur moment d’arrêter selon toi ?

C’est vrai qu’il il y a toujours les JO dans un coin de ma tête. Ce n’est pas la saison de trop, mais c’est la saison qui m’a fait comprendre que c’était terminé. Ca a été difficile sur plusieurs points de vue, avec une 2e opération du genou en mai dernier, et puis tout un staff d’encadrement qui a changé en Equipe de France. C’était compliqué de s’habituer à une nouvelle équipe comme ça en fin de carrière. Et puis les contre-performances se sont enchaînées. Je pars sans regret.

« Les blessures font partie de moi (…). Ca m’a aussi forgé un caractère et transmis certaines valeurs. »

C’est la tête qui a poussé le corps à arrêter ou l’inverse ?

C’est un peu tout à la fois. Mon corps commençait à dire stop, c’est vrai que j’ai pas mal tiré dessus, mon genou me faisait mal quotidiennement. Et puis la tête aussi, c’est vrai que j’avais de plus en plus de mal à me retrouver dans les hauts de classement, et me battre dans les bas de classements avec des athlètes plus jeunes que moi, ca m’a fait prendre conscience que c’était le moment d’arrêter.

C’est un regret toutes ces blessures ?

Ca fait partie de moi. Je me dis que peut-être que les médailles obtenues après une grosse blessure, j’ai pu les savourer et j’étais d’autant plus fière parce que c’était vraiment un réel combat pour revenir au plus haut niveau. C’est aussi ce qui a rendu les moments uniques. Ca m’a aussi forgé un caractère et transmis certaines valeurs.

Dans quel état d’esprit tu étais au moment d’entamer la dernière saison ?

C’était un peu difficile, c’est vrai. Je sortais d’une très belle saison. Je pense que si j’avais arrêté la dessus, j’aurais eu des regrets. Je voulais repartir du bon pied. Mais le début de saison a été difficile, j’ai senti le besoin de faire une pause en décembre. Donc la motivation diminuait au fur et à mesure de la saison. Et puis les projets d’encadrer à mon tour qui se présentaient à moi, ca m’a aussi fait arrêter.

Qu’est-ce qui va te manquer dans ta vie d’athlète, au quotidien ?

Tout simplement me lever et m’entraîner, on s’entraînait énormément, 5h par jour, 6 jours sur 7. C’était mon rythme de vie, donc c’est sur que ca va me manquer. Après je serai toujours sur la glace donc je me dis que ca va compenser. Et puis je vais continuer à m’entretenir physiquement pour rester en bonne santé.

« En relais, on a réussi à faire une médaille aux Europe en partant de rien, c’est génial »

Quel souvenir particulier t’as le plus marqué sur ces 15 années de haut-niveau ?

Il y en a pas mal. Je dirais mon retour pour les Jeux de Sotchi en 2014. Un an et demi avant, je me fais les ligaments du genou, donc c’était un challenge de revenir à Sotchi et j’ai réussi à le faire. En plus j’avais fait 10e sur 1500m donc revenir à ce niveau après quasiment 18 mois d’arrêt, ca a été une grande satisfaction.

Autre satisfaction, le relais féminin. Tu as été médaillée avec le relais mixte aussi. En quoi c’était important cet aspect pour toi ?

Ca faisait partie de mes objectifs, parce que j’ai longtemps été la seule féminine en Equipe de France, et je voulais vraiment monter une équipe compétitive et on a réussi à la faire. C’est pour ça que je dis aussi que j’avais fait le tour à partir du moment où j’avais rempli quasiment tous les objectifs. Les relais, on a réussi à faire une médaille aux Europe en partant de rien, c’est génial.

Quel avenir a cette équipe selon toi ?

C’est super intéressant parce que plusieurs filles sont devenues performantes sur le plan individuel. Ca manque encore un peu de masse derrière pour la relève mais ca commence à venir et puis et on va tâcher de développer cela avec la structure à Reims où je vais travailler maintenant.

Justement, tu vas t’occuper des tous jeunes avec le Creps de Reims et le RPV. Avec ton expérience, que penses-tu pouvoir leur apporter ?

Je vais leur inculquer quelques valeurs qui me semblent importantes à mes yeux : abnégation, régularité, sérieux. Ce sont des jeunes qui vont découvrir et apprendre le haut-niveau. Ils comprendront s’ils sont fait pour ça ou non. On servira de passerelle avec le pôle France de Font-Romeu. Il faudra faire attention, surtout aux plus jeunes. A cet âge, on n’a pas les mêmes charges d’entraînement que les plus grands. Il faudra aussi inculquer tous les gestes de sécurité et ne pas négliger les phases de récupération et de repos qui sont primordiales à la progression de l’athlète.

Quels sont tes premiers souvenirs d’ailleurs sur la glace ?

C’était à Charleville. J’aimais aller vite, m’incliner sur la glace. Je ne me posais pas trop de questions. Je montais sur la glace, on me disait faut aller vite, faut gagner, j’ai dit OK ! C’est vrai que les règles de la discipline sont assez simples de compréhension. J’ai tout de suite été balancée dans le haut-niveau. Au début c’était une découverte et puis je me suis prise au jeu. Donc je suis partie à Reims pour travailler avec le Creps notamment.

TOUTE L’INTERVIEW ICI

Et maintenant, c’est l’occasion de boucler la boucle…

C’est vrai que l’histoire est belle, et c’était important pour moi de transmettre à mon tour tout ce que j’ai pu apprendre. Et puis il n’y avait pas meilleur endroit qu’à Reims. C’est un lieu symbolique, c’est ce qui a fait de moi une athlète de haut-niveau. Je suis ravie de pouvoir aider le RPV et le Creps de Reims. Il y a une bonne école de glace, et l’ambiance est sympa. Du coup on arrive à transmettre aux plus jeunes la passion de la glisse et de la vitesse. J’espère que plusieurs jeunes pourront être formés encore, comme Tristan Navarro et Tawan Thomas. On devrait avoir 8 jeunes athlètes pour la prochaine saison.

Le but c’est aussi de continuer de médiatiser une discipline qui en a bien besoin.

Oui, elle l’est encore trop peu. On va faire le maximum pour que ça se développe à Reims. Il y a déjà 2 patinoires, une 3e va ouvrir. Il y a de quoi faire, en espérant que ça prenne de l’ampleur ici et à l’échelle nationale.

Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

De trouver mon épanouissement dans cette nouvelle vie, de transmettre un maximum de choses aux jeunes, et puis apporter mon expérience et d’être bien, tout simplement. Et puis de continuer sur un temps partiel avec la Ville de Reims. On regarde ce qu’il faut mettre en place, notamment autour des dispositifs des Jeux de 2024 et sur l’éducation autour de l’école de glace avec les écoles de la Ville.