Philippe Sauret : « laissez-nous nous batailler jusqu’au bout, avec de vrais enjeux »

Basket — par Julien Lampin, le 16 janvier 2021 (11:50)

En marge de la facile victoire de ses Pétillantes contre Calais vendredi soir lors de la 13e journée de LF2, Philippe Sauret est revenu sur la fronde qui s’organise au sein du basket féminin contre la Fédération Française de Basket. Cette dernière a entériné sa volonté de promouvoir en LFB l’équipe arrivée première à l’issue de la saison régulière si la saison peut aller à son terme. Ainsi, les play-offs n’offriraient pas d’enjeu sauf honorifique. Le président du Champagne Basket demande à jouer avec plus d’enjeu pour promouvoir le basket féminin. Entretien…

Philippe, que doit-on souhaiter au club et au basket féminin pour 2021 ?

L’idéal, ce serait de retrouver au moins une partie de ce qu’on a connu dans le monde d’avant, comme on dit, avec du public dans nos salles. On va essayer de finir la saison du mieux possible, mais on a peu de chances de retrouver des salles pleines avant la saison suivante.

Pour votre club, cette crise arrive au plus mauvais moment, parce qu’on sentait le club en pleine expansion…

Oui, c’est vrai. Ce genre de crise, c’est toujours plus gênant pour les équipes qui trustent plutôt le haut de tableau. C’est vrai que pour nous, la pandémie nous a un peu coupé l’herbe sous le pied. C’est comme ça, il faut être un peu fataliste par rapport à ça. Mais cette 2e saison est quand même difficile à vivre, même si on a fait le choix de jouer. Pour les joueuses, les partenaires, ça permet une certaine visibilité. On existe toujours.

« On existe toujours. (…) Jouer, c’est une bonne occasion de montrer que nos joueuses sont pros, que les clubs se structurent. »

Regrettez-vous ce choix d’avoir décidé de poursuivre le jeu ?

Quoiqu’il arrive, c’est compliqué, parce que nous n’avons aucune recette. Mais on a pris cette décision rapidement parce que c’est la première fois, vraiment, qu’un ministère reconnaît la LF2 comme une division professionnelle. Les présidents de club ont voulu assumer ce rôle. C’était une bonne occasion de montrer que nos joueuses sont pros, que les clubs se structurent. Et puis c’était l’espoir de retrouver un peu de public pour les play-offs. Maintenant, avec la dernière décision prise par la FFBB, ca remet un peu en cause nos choix. Mais on ira au bout du championnat en fonction des conditions sanitaires.

Avec le risque que ça impacte le sportif…

On sait que le championnat est de plus en plus dense, avec des équipes qui ont bien recruté, mais avec souvent une bonne continuité. C’est vrai que dans la phase aller les équipes ont été impactées par le Covid, tout le monde a quand même rejoué derrière. Il faut rappeler qu’on est une division où on promeut le double projet, avec le sportif et les études, souvent en visio en ce moment. Et que tout le monde continue de s’entraîner, mais c’est pas toujours simple à gérer quand il y a une succession de matchs rapprochés. C’est pour ça, quand on voit la physionomie du championnat, je pense qu’on aurait des play-offs très intéressants.

« passer la LFB de 12 à 14 clubs, ça permettrait plus de sérénité et de visibilité »

Sauf que selon la FFBB, ces play-offs seraient honorifiques si la saison régulière se termine. Dans ce cas, le premier de la saison régulière montera et les play-offs serviront simplement à décerner le titre de champion.

C’est exact, c’est un des scenarii dessinés par la Fédération. Il y a effectivement celui-là, malgré la consultation des clubs. En ce sens, vues les conditions, pourquoi se déplacer, sans public, pour des matchs sans enjeux ? Je pense que les joueuses ne sont pas forcément prêtes à ça. L’autre scénario, c’est d’assurer 50% des matchs dans le cas où la saison devait s’arrêter à cause de la pandémie, c’est le premier au ratio, qui montera. Dans ce cas, ca reste logique.

Donc pas de possibilité de saison blanche, comme la saison dernière ?

Ca fait partie des solutions proposées par les présidents de LF2 et de LFB. C’est une proposition soumise depuis plusieurs années, c’est-à-dire de passer la LFB et la LF2 à 14 clubs, ce qui permettait en cas de pandémie, de laisser de la sérénité dans les clubs de LFB. Ca aurait permis une sérénité financière pour beaucoup, deux montées en LFB, une après la saison régulière et une après les play-offs. Cela ferait aussi plus de matchs. On a aussi besoin de matchs pour vivre, hors crise sanitaire. C’est même ce qui pourrait nous permettre de rebondir, de reconstruire un budget et des relations avec le public et les partenaires. En terme de visibilité, le basket féminin mérite plus de matchs. Mais la Fédération n’y est pas favorable.

« Si la majorité des présidents de LF2 ne veulent pas jouer ces play-offs dans ces conditions, on ne les jouera pas et tout le monde sera forfait « 

Avez-vous imaginé d’autres négociations ou recours vis-à-vis des dernières décisions fédérales ?

A travers nos propositions, on n’a pas voulu exiger, mais revendiquer. La FFBB nous a répondu début janvier qu’elle confirmait sa décision prise fin décembre. Mais 10 équipes sur 11 voulaient ces play-offs. Il est possible qu’on entame rapidement un recours auprès du ministère en expliquant les choses. Nous sommes bien conscients de la situation sanitaire, on le vit au quotidien. Mais on aimerait revendiquer les souhaits des clubs. Si le championnat devait s’arrêter prématurément, bien sûr que ce sera le premier qui montera au moment de l’arrêt. Mais si on peut entrevoir une éclaircie courant mai. On peut imaginer décaler les play-offs entre mi-mai et mi-juin, même sans public, mais laissons-nous nous batailler jusqu’au bout, avec de vrais enjeux.

Quelles sont les possibilités d’actions que vous pourriez mettre à exécution si la situation n’évolue pas ?

Sans menace, si la majorité des présidents de LF2 ne veulent pas jouer ces play-offs dans ces conditions, on ne les jouera pas et tout le monde sera forfait.

Mais règlementairement, il faudrait payer une amende ?

Oui, c’est que le président de la FFBB nous a dit. Si on n’accepte pas de jouer les play-offs tels qu’ils sont définis, c’est-à-dire sans enjeux mais avec un titre honorifique, oui on peut être forfait en payant une amende. Mais par rapport au fait de jouer des matchs sans enjeux, avec des longs déplacements, la question se pose. Peut-être que rapidement, plusieurs clubs vont se poser la question, est-ce qu’on garde nos étrangères, comment on fait ? On rappelle qu’on ne bénéficie pas du chômage partiel. C’est un choix qu’on assume, mais peut-être qu’à l’avenir, on fera un autre choix. Quoiqu’il arrive, ce sera une décision à prendre collectivement si le refus est le même au ministère. Mais une fois dit ça, on doit assumer nos responsabilités et sportivement, on va se battre jusqu’au bout pour aller chercher le meilleur classement possible. On fera le point fin janvier.

Comment les joueuses, les staffs vivent cette situation ?

Ce n’est pas simple, mais dans mon club, j’en ai toujours parlé aux joueuses avant de prendre des décisions. Les joueuses, elles veulent jouer. Certaines arrivent à la trentaine, on leur a déjà coupé l’herbe sous le pied une fois. Là elle veulent jouer. Mais elles comprendront qu’on ne joue pas sans enjeu.

On sait que dans le basket féminin, les négociations pour préparer la saison suivante se font très tôt. Est-ce que dans l’incertitude générale, ce sera encore le cas cette année ? Le Champagne Basket réfléchit-il à la composition de son prochain effectif ?

C’est un paradoxe du basket féminin, certains contrats sont signés dès janvier pour l’année suivante. C’est comme ça et c’est encore plus particulier cette année, parce qu’on ne sait pas comment sera notre situation financière la saison prochaine. On va déjà finir la saison. Mais tous les clubs réfléchissent effectivement à l’année prochaine. Le travail avec les partenaires sera aussi important, c’est pour ça aussi que le sportif est important pour montrer le dynamisme.

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